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MILIEUX AQUATIQUES

L'anguille des pertuis et l'argent

Les scientifiques du CIEM demandaient la cessation de toute pêche de l’anguille depuis 20 ans déjà et, depuis 2015, ils réclament désormais que tous les efforts soient faits pour annuler toute mortalité d’origine anthropique : « Toute mortalité d’origine humaine (pêche récréative et professionnelle, centrale électrique et pollution) affectant la production et l’échappement des géniteurs devrait être réduite le plus possible vers zéro. »

Dans le dernier rapport WGEEL 2019, la totalité de tous les groupes scientifiques européens experts parlent d’une « question urgente » et exigent « des actions rapides ».

Il est rare que des scientifiques s’expriment de façon aussi explicite.

Dans ce contexte, chacun appréciera l’arrêté du ministère des transports n°3437 du 12-12-83 fixant les conditions d’exercice de chalutage dans le pertuis breton, le pertuis d’Antioche et le courreau d’Oléron, qui autorise le chalutage des crevettes et des anguilles jusqu’à 50 mètres du bord et des poissons jusqu’à 1 kilomètre du bord.

La France accorde donc une dérogation de chalutage au ras du bord pour capturer - entre autres - une espèce en danger critique d’extinction, à savoir l’anguille.

L’ADRM estime que c’est une dérogation injustifiable à l’article D922-16 du code rural et de la pêche maritime à cause de l’atteinte aux fonds marins, aux nourriceries et aux amphihalins, ce qu’IFREMER a maintes fois souligné, ici ou ailleurs.

Les maillages autorisés et les dates d’ouverture pour l’anguille ne respectent pas les règlements européens.

Grâce à une transposition incorrecte et déjà condamnée par la cour de justice européenne, il n’y aucune évaluation des incidences NATURA 2000 alors que dix aires NATURA 2000 sont concernées. Les captures accidentelles d’oiseaux marins, de cétacés et d’amphihalins sont inévitables, tandis que les prélèvements en crevettes et petits poissons affaiblissent la chaîne alimentaire des espèces d’intérêt communautaire.

Cette éternelle dérogation ignore les mesures prises dans le cadre de la directive cadre Stratégie pour le milieu marin, qui restent lettre morte dans d’épais dossiers inutiles mais coûteux, mais qui nourrissent une kyrielle d’organismes.

Mais la première victime serait bien la pêche professionnelle elle-même, qui voit fondre peu à peu ses rendements et ses effectifs locaux, sans être capable de réagir, dans un contexte de rivalités locales, accompagnant ainsi le lent déclin documenté des nourriceries et des fonds marins des pertuis.

L’ADRM vient d’introduire un recours contentieux en même temps qu’une plainte devant la Commission européenne, puisque l’arrêté, pratiquement jamais revisité, cumule pas moins de 4 infractions aux règlements communautaires.


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