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Le scandale de la pêcherie du maigre

La France a une responsabilité communautaire et intergénérationnelle pour le maigre : sa pêche est régionalisée au littoral du Golfe de Gascogne (rectangle 20E8) et l'unique frayère européenne se situe dans l'estuaire de la Gironde (hormis ceux du Tage et du Guadalquivir).

Après un retour inespéré de l’espèce, les débarquements ont été multipliés par 5 ou 6 dans les années 2000, mais aucune mesure de gestion efficace n’a été ni envisagée ni décidée.

De 2005 à 2008, «87% de la production annuelle (1250 tonnes) sont des petits juvéniles de moins de 2 kg», soit le sacrifice de 1 360 000 juvéniles d’un an ½ et moins de 800 g, alors que ce poisson n’est mature qu’au dessus de 60 cm / 2 kg pour le mâle (4 ans), 80 cm / 4,6 kg pour la femelle ( 6 ans) avec une prise de poids très rapide.

Épargner ces juvéniles aurait pu produire 4 ans plus tard une masse d'adultes presque 5 fois supérieure.

Un poisson de 30 / 45 cm n'a que 11 mois / 16 mois et pèse 270 / 800 g alors qu'un adulte pèsera plusieurs dizaines de kg.

En 2009, l’IFREMER pose le diagnostic de surexploitation : la pêche décime les nouvelles générations au point qu’il faut attendre le délai de maturation de quelques géniteurs rescapés (7-8 ans) pour assister à une nouvelle embellie de juvéniles. Une stratégie gagnant-gagnant pour toutes les pêches et l’environnement est proposée : limitation des prises de juvéniles ( > 80 cm avec mesures techniques d’accompagnement obligatoires), instauration d’un quota et de zones de repos dans l’estuaire pour les géniteurs, actuellement ciblés pendant le frai par une pêche à l’écoute.

Mais les professionnels n’émettent que des propositions indolores et non pertinentes (TMC à 30 cm, limitation symbolique des longueurs de filet et du nombre d’hameçons) et s’opposent à la création de zones de repos dans l’estuaire.

Depuis 10 ans, le rapport de l’IFREMER reste lettre morte et les principes communautaires sont ignorés.

L’augmentation inéluctable de la demande rendra la moralisation de cette pêche encore plus difficile : l’Europe devrait intervenir en urgence.

La principale infraction de la FRANCE est sa quasi inaction pour rendre durable la pêcherie du Maigre (Argyrosomus regius) , qui n’a jamais été encadrée par la moindre mesure nationale de gestion à la hauteur de l’enjeu. Une Taille Minimale de Capture (TMC) pour la pêche récréative a même été supprimée en 2007 jusqu’à la publication de tailles totalement indécentes pour la pêche de loisir en 2012 (45 cm), puis pour la commercialisation en 2013 (30 cm).

Si elles ont le mérite d’exister en l’absence de règles européennes spécifiques, ces tailles sont trop éloignées des tailles de première maturité sexuelle chez le maigre, à partir desquelles seulement 50% des poissons sont matures : > 60 cm pour le mâle et > 80 cm pour la femelle. Ces mesures notoirement insuffisantes n’ont donc pas atténué la surexploitation constante de cette espèce : sa survie ne tient qu’à une ou deux générations étriquées de jeunes géniteurs rescapés qui n’auront guère le loisir de se reproduire une seconde fois.

Depuis au moins 10 ans déjà, les connaissances scientifiques française sont très complètes, mais les conseils qui en découlent ne sont pas pris en compte. En dénonçant une pêcherie commerciale qui cible des juvéniles, un scientifique de l’IFREMER écrivait en 1998 : «  Quand on connaît la croissance rapide du maigre en taille mais surtout en poids, la haute valeur marchande des adultes, on ne peut qu’être scandalisé par un tel pillage de la ressource. Le maigre pourrait être une source de profit importante s’il était pêché intelligemment

Or, rien n’a changé depuis : il n’y a aucun quota, aucune zone de protection pour l’unique frayère strictement localisée (« banc des Marguerites » entre Mescher et Mortagne-sur-Gironde), ni aucune mesure technique pour soulager les nourriceries bien connues (Gironde, Seudre, Coureau d’Oléron).

En complète opposition avec les objectifs de la Politique Commune de la Pêche, cette politique est un immense gâchis socio-économique et environnemental :

  1. Elle cible délibérément les juvéniles de maigre et lèse les écosystèmes associés.
  2. Elle met à mal la rentabilité potentielle de la pêche commerciale de ce poisson qui débarque près de 87% de juvéniles de moins de 2 kg
  3. Elle fait un tort considérable au secteur économique et touristique de la pêche de loisir que ce grand poisson de sport pourrait contribuer à faire renaître.

Dans un jugement du 8 juillet 2020, le Conseil d'État vient de donner raison à DMA et «enjoint au ministre de l’agriculture et de l’alimentation de procéder, conformément aux motifs de la présente décision, au réexamen de la demande de l’ADRM tendant à la fixation de tailles minimales de capture plus élevées pour le maigre commun dans le délai d’un an à compter de la présente décision.»

La décision repose sur le principe de précaution qui a été retenu au double motif que le stock de maigre est méconnu et que l'ADRM a produit des articles scientifiques démontrant que le caractère plus ou moins stable des captures mis en avant par le ministère est justement une des situations classiques qui peuvent précéder un effondrement de longue durée.

​ Écoutez la radiodiffusion de FRANCE BLEU GASCOGNE à ce sujet (juillet 2018). ​ Lire l’article sur PÊCHE EN MER de novembre 2018 sur la pêcherie du maigre en France.

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