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MILIEUX AQUATIQUES

Bars et Dauphins

Une grosse partie des bars capturés en France le sont encore pendant les trois mois d'hiver, période de reproduction de l'espéce.

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Une grosse partie des bars capturés en France le sont encore pendant les trois mois d’hiver, janvier à mars, au moment où ces poissons deviennent très exposés en se rassemblant au large en bancs très denses pour frayer.

Cette stratégie de reproduction, adaptée à l’immense milieu dispersif qu’est l’océan, expose tout particulièrement les géniteurs facilement repérables par les électroniques de détection. Les immenses chaluts pélagiques ont longtemps décimé ces bancs avec une facilité déconcertante et sont largement impliqués dans l’effondrement des populations de bar au nord du 48ième parallèle mais aussi avec son état préoccupant au sud. Ces filets remorqués avalent tout sur leur passage, y compris les dauphins, souvent présents autour des bancs de bars parce qu’ils se nourrissent comme eux des mêmes petits poissons pélagiques, anchois, sardines, maquereaux et chinchards.

Les échouages de dauphins, connus et documentés depuis les années 90 par l’observatoire PELAGIS se sont ainsi brutalement envolés à partir de 2016 et ont ému la France entière. Tous les médias en ont fait leur titre à la une.

Depuis, d’autres intervenants sont montrés du doigt et l’association explique la coresponsabilité des filets droits maillants en bord de côte qui interagissent avec tous les animaux à ventilation aérienne, dauphins, oiseaux et tortue, justement parce qu’ils sont déployés en eaux peu profondes. Même chose pour les nouveaux filets tramails, haut de plusieurs mètres qui arrêtent tout sur leur passage au point que les pêcheurs les appellent les filets « pêchent-tout ».

Attaquer la pêcherie du bar était donc faire d’une pierre deux coups, en dénonçant cette pêche immorale sur frayère et son implication dans les captures de dauphins.

Introduit fin mars 2019 par l’association, l’annulation de l’arrêté organisant la pêcherie du bar est prononcée début juillet 2020 par la décision 429018 du conseil d’État qui oblige l’administration à adopter des mesures de protection complémentaires pour les dauphins dans les 6 mois.

À la même époque, la commission européenne ouvre à ce sujet deux procédures précontentieuses, l’une contre la France 2020/4036 et l’autre contre l’Espagne 2020/4039.

Malgré cette pression, l’État s’entête et se bornera à étendre les dispositifs destinés à effaroucher les dauphins autour des navires de pêche à 80 chalutiers français, alors qu’au départ ils n’étaient obligatoires que pour deux douzaines d’entre eux.

Début 2021, l’association qui estime que le jugement n’a pas été exécuté et qui demande une fermeture hivernale saisit la section du rapport et des études du conseil d’État. En toute cohérence, l’association conteste également le nouvel arrêté publié fin 2020 sur la pêcherie du bar.

En juin 2021, la section du rapport et des études confirme notre estimation sans se prononcer sur les mesures à imposer à l’État.

La procédure juridictionnelle 458842 est donc ouverte fin juin 2021.

Début décembre 2021, FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT et SEA SHEPHERD déposent simultanément un référé-suspension pour obtenir la fermeture hivernale et éviter un nouveau massacre de dauphins imminent. Ce sont les référés 459225 et 459309. Les deux associations sollicitent DÉFENSE DES MILIEUX AQUATIQUES pour soutenir leur conclusions par le moyen d’une intervention volontaire. Nous la déposons le 15 décembre. L’audience a lieu le mardi 21 décembre mais de façon très surprenante, nous n’y sommes pas conviés. L’ordonnance du juge des référés tombe 36 heures après : référé rejeté, il n’y aurait pas d’urgence, comme pour les civelles 15 jours plus tôt … D’après la justice, il n’y aurait jamais d’urgence pour la Nature … Mais pour l’économie, oui : il a suffi à l’État d’évoquer 40 millions d’euros de perte de chiffre d’affaires pour convaincre le juge des référés …

En mars 2022, l’État se fend d’un mémoire en défense de 5 pages pour rejeter notre demande de fermeture hivernale. Notre mémoire en réplique est sans doute l’un des plus argumentés que nous n’ayons jamais rédigés. Toute l’expertise de PELAGIS est utilisée pour démontrer que les captures de dauphins n’ont pas baissé durant les deux hivers 2021 et 2022 et que si les échouages ont été moins nombreux, c’est tout simplement parce que les carcasses ont été anormalement retenues au large par une météo trop souvent anticyclonique. Toute notre expertise de la directive Habitats est sollicitée pour démontrer que les pingers non seulement inefficaces violent les interdictions de perturber les cétacés et mêmes les conditions dérogatoires pour le faire. La seule solution consiste bien à fermer la pêcherie et nous démontrons qu’il s’agit en réalité d’une chance pour la pêche française. Nous exigeons une fermeture de deux mois, de la mi janvier à la mi mars, assortie d’une obligation du contrôle électronique à distance, c’est-à-dire notamment des caméras embarquées.

Notre mémoire est immédiatement transmis aux trois ministères (Alimentation et agriculture, Mer, Écologie et transition solidaire), à l’IFREMER et au CNPMEM. C’est la dernière ligne droite. L’espoir est immense. Rappelons que la procédure juridictionnelle n’est pas soumise à une condition d’urgence comme une procédure en référé et que pendant cette attente interminable, les procédures précontentieuses de l’UE sont en train de passer au contentieux comme l’a annoncé la Commission européenne dans un communiqué de la mi juillet 2022 …

Pendant ce temps, les dauphins continuent à se noyer dans les filets.